Vigneron, un sacerdoce ?

Vigneron, un sacerdoce ?

Gel, mildiou, ravageurs et orages de grêle... faut-il être masochiste pour être vigneron ?

Vendredi 18 mai 2018, un article du journal Les Echos sonne comme un coup de tonnerre avant de se répandre comme une trainée de poudre… Rien à voir ici avec l’évolution de la parité euro/dollar ou la tendance de l’indice Nasdaq. Non, le quotidien économique prédit une pénurie de rosé pour l’été ! Pour étayer son propos, le journaliste avance deux chiffres : la consommation de rosé a progressé de 30 % au cours des 15 dernières années, tandis que la production de rosé de Provence a reculé de 12 % en 2017. La loi de l’offre et de la demande s’applique au rosé comme pour n’importe quelle autre denrée périssable. En l’absence de stock, la pénurie est donc tout à fait envisageable même si la hausse des prix devrait infléchir la demande. En effet, et contrairement à la majorité des vins rouges et blancs dont la production peut être lissée sur plusieurs années grâce à leur capacité de garde, qui permet le stockage, le rosé est quant à lui produit à flux tendu, pour être dégusté dans l’année qui suit la vendange.  

Au-delà de l’émotion que cette annonce peut provoquer auprès des aficionados du rosé de Provence, du Rhône ou du Languedoc, cette nouvelle nous rappelle que le vin est avant tout un produit issu de la viticulture et dont la production est soumise à des spécificités et à de nombreux aléas.

Quand la quantité s’oppose à la qualité : taille et opérations en vert

Taille de la vigne en Crozes-Hermitage

A l’état de nature, la vigne est une liane vigoureuse dont les raisins n’ont d’autre utilité que de renouveler l’espèce à travers ses graines. C’est grâce à la taille réalisée par le vigneron durant l’hiver que la vigne pourra produire de belles grappes de raisins gorgées de jus. Cette taille, qui régule la production future de raisin, est complétée durant le printemps et l’été par de nombreux travaux en vert dont l’objectif est de permettre une vendange de raisins arrivés à maturité. Parmi les différents travaux en vert (ébourgeonnage, épamprage, relevage, rognage, effeuillage), l’ébourgeonnage fructifère et la vendange en vert réduisent directement la quantité de vin en éliminant certaines grappes. L’objectif étant de permettre aux autres grappes restantes d’arriver sans encombre à maturité.

Quand le ciel vous tombe sur la tête : gel et orages de grêle

Ciel menaçant en Bourgogne

A l’image des autres plantes et arbres fruitiers, la vigne est très sensible au gel, en particulier à certaines étapes de son développement. La gelée de printemps est la plus courante. Lorsque ces gelées interviennent après le débourrement (bourgeons formés), il suffit d’une nuit de gel suivie par un matin ensoleillé pour que de nombreux bourgeons soient grillés par le soleil, ce qui a un impact considérable sur la récolte à venir. Plus rares mais encore plus dévastatrices, les gelées d’hiver sont des gelées très fortes (-15°) et durables qui vont détruire la souche. Le gel de février 1956 a ainsi détruit une très grande partie du vignoble de Cahors qui ne fut pas replanté en totalité. Dans certains vignobles septentrionaux comme à Chablis ou en Champagne, les vignerons s’équipent afin de lutter contre les effets des gelées à travers l’aspersion et le réchauffement de l’air. Les magnifiques photos réalisées par Marie-Georges Stavelot au printemps 2017 à Chablis illustrent les efforts des vignerons dans cette lutte contre les températures négatives.    

Une fois les risques du gel de l’hiver et du printemps derrière lui, le vigneron continue de regarder le ciel avec méfiance car un orage de grêle peut anéantir une année de labeur en quelques minutes. Les orages de grêle, localisés, ont des effets dévastateurs sur la zone sur laquelle ils s’abattent. Certains vignerons touchés peuvent alors perdre la totalité de leur récolte en quelques minutes seulement.   Là aussi, face aux dégâts perpétrés par ces accidents climatiques, les vignerons tentent de riposter en s’équipant de radars et canons à grêle dont l’objectif est d’identifier les nuages menaçants et de les disperser. Vidéo publicitaire sur l’histoire du canon à grêle. 

Quand le raisin attire les convoitises : champignons, maladies et parasites.

Phylloxera, fléau de la vigne

Si les aléas climatiques peuvent anéantir une récolte, le plus redoutable fléau que connût la vigne prit la forme d’un minuscule puceron, nommé phylloxera. Ce puceron, très fécond, colonise les feuilles puis les racines de la vigne, entrainant son dépérissement. Importé d’Amérique au XIXème siècle, le phylloxéra détruisit la quasi-totalité du vignoble européen en quelques années. La solution fut trouvée en greffant les cépages autochtones sur des porte-greffes américains résistants au puceron. La vigne est une espèce fragile sensible à de nombreuses maladies qui peuvent atteindre la souche, les feuilles ou les grappes. Les deux maladies les plus courantes sont le mildiou et l’oïdium. Elles se développent lorsque les conditions climatiques leur sont favorables : pluies de printemps pour le mildiou et climat chaud et humide pour l’oïdium. A ce sujet, le coffret Thématique vin rouge BIO vous donne de nombreuses informations sur la manière dont les viticulteurs luttent contre ces maladies, qu’ils soient en viticulture conventionnelle, biologique ou biodynamique. Pour plus d’information sur les maladies de la vigne, ce site de l’INRA vous propose des fiches détaillées sur chacune de ces menaces (symptômes, biologie, description, méthodes de lutte). 

Aujourd’hui et malgré nos connaissances, la viticulture demeure un exercice périlleux. En guise de conclusion, je ne résiste pas au plaisir de vous livrer un extrait du roman Nono de Gaston Roupnel. Le personnage principal, vigneron à Gevrey-Chambertin au XIXème siècle, répond à une question de sa fille sur le métier : « Alors, papa, tu es content d’être vigneron !... »

« Ah ! Petiote !... Il y a bien à reprendre à ce que tu dis là… Sur la Côte, le pays est bon, mais la vie ne vaut guère, et la culture de la vigne ne vaut rien. D’abord ce n’est pas là un franc travail : c’est désordonné et brutal. Et puis la vigne est nerveuse. Oh ! elle n’a pas la grâce ni la soumission des cultures… Elle vient à son gré ! Elle pousse de travers ! Elle donne du fruit quand ça lui plaît ! Elle gèle à propos de rien ! Elle crève sans qu’on sache pourquoi ! Si on la fume,…on la brûle ! Si on ne la fume pas… la chlorose s’y met ! On la travaille deux jours trop tard : son jour est passé, et ça ne lui dit plus rien, à cette difficile !...Trois jours de trop de pluies,… et voilà le goût de pourri du vin !... Trois jours de moins,… et c’est le goût de sec !... Cette gueuse-là se paye même des maladies de luxe. Elle en a une collection pire qu’un bon hospice… Elle crèverait seulement bravement, avec un peu de franchise… on serait débarrassé : on planterait du seigle et on élèverait des vaches !... Mais non ! Il lui faut des histoires avant de crever jusqu’à ce qu’elle ait bien ruiné son monde… Oh ! Elle est gueuse, va !... ».

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération. 

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